AIII #11: La RDC piégée depuis vingt ans : 1994-2014

La RDC piégée depuis vingt ans : 1994-2014
Jules Ziringabo
Depuis l’assassinat du Président Rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, la RDC en général et les Kivus particulièrement, payent le prix de l’amitié Habyarimana-Mobutu par une chaîne infernale des malheurs loin d’être oubliés par les générations du 21ième siècle. Cette date est le début des massacres rwandais suivis des mouvements des populations rwandaises vers le Kivu. L’hospitalité zaïroise exagéra jusqu’à accueillir sans désarmement, les ex-FAR et interahamwe devenus FDLR.
A deux ans de stabilisation du pouvoir du FPR à Kigali, le « droit de poursuite des génocidaires » a justifié des attaques en territoire d’Uvira: ce fut la guerre dite de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo en Octobre 1996, appuyée par des pays voisins. L’AFDL chassa le pouvoir dictatorial Mobutiste de 32 ans mais ne régna qu’un an à Kinshasa. Les accords de 1996 signés à Lemera/Uvira et prêchés aux cadres de l’AFDL sans textes, sont restés secrets jusqu’au 2 aout 1998, entrée du RCD soutenu par les parrains de l’AFDL.
Elle avait commencé deux semaines après que Laurent Désiré Kabila venait de retourner les mercenaires qui l’avaient accompagné au pouvoir. Elle se justifiait par le « droit de poursuite » aussi, mais ne bénéficiera pas de l’adhésion populaire car les méfaits de celle de l’AFDL, atrocités et pillages FDLR/ex-FAR étaient une plaie fraiche au Kivu.
Des messages médiatisés par Kinshasa choisissant des mots très patriotiques, suscitèrent des résistances armées appelées Mayi-Mayi dans le Kivu et l’Ituri. Ils étaient soutenus par le Gouvernement de Kinshasa, pris comme force supplétive gouvernementale, gradés, matriculés et affectés à la 1ère Région Militaire, Opérations-Est.
Les motifs de guerre avancés par le RCD n’ayant pas convaincu certains leaders comme le Professeur Wamba Dia Wamba et Monsieur Antipas Mbusa Nyamwisi, ils formèrent la rébellion RCD-K/ML et contrôlèrent le nord du Nord-Kivu et l’Ituri.
Pendant que le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba était en Equateur, le RCD-National se créa en Province Orientale et la résistance armée du colonel Njabu leader de tribu Lendu se battant contre Thomas Lubanga, leader des hema.
Ces étapes précitées étant racine et tronc de l’arbre à problème, nous ne pouvons pas manquer de préciser que malgré ces conflits ayant exterminé des congolais et détruit l’économie du pays, les congolais sont restés soudés dans le souci de l’indivisibilité de leur pays. Ce souci a entrainé tous les belligérants à accepter de se rencontrer pour discuter à Lusaka, Gaborone, Pretoria, Sun City…
Ces rencontres débouchèrent à la signature des accords de Sun City en Décembre 2002, vingt-trois mois après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, initiateur desdites rencontres. La mise en œuvre des accords précités débuta à Mbandaka le 30 juin 2003 par la réunification du pays après cinq ans des guerres.
Aux problèmes spéciaux, il fallait solutions spéciales. La RDC décida d’abandonner les guerres, de partager le pouvoir au lieu de partager le pays : Joseph Kabila qui succéda à son père Laurent-Désiré Kabila en Janvier 2001, dirigea collégialement avec quatre vice-présidents de la République sous l’arbitrage de Nations Unies.
Cette transition dura environ quarante mois avec des dicidences au RCD-Goma, au Maï-Maï et autres groupes armés en Province Orientale et au Katanga. Toute fois, le 1+4 amena le pays au référendum en 2005 et aux élections présidentielles, législatives et provinciales.
Ce mandat ne réussit pas la sécurité et la stabilité de l’Est de la RDC. Les déceptions, défections militaires chez les ex-belligérants et échecs de démobilisation ont entrainé la multiplicité des nombreux groupes armés. Ces défections ont entrainé la dissuasion d’armes et leur incontrôlabilité en rural comme en ville.
En 2008 fut organisée la conférence sur la paix, la sécurité et le développement du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Les groupes armés, la société civile et la communauté internationale y étaient largement représentés et des résolutions issues des fortes discutions y furent prises.
La Commission Technique Mixte Paix et Sécurité issue de ces résolutions rassembla les groupes armés et les intégra au sein des FARDC et de la PNC conformément aux accords de paix dont ils étaient signataires à Goma, le 23 Mars 2009 et dont fut décrété un comité National et un Comité International de suivi.
Vu que les travaux du comité précité n’étaient pas achevés, les promesses données aux leaders d’ex-groupes armés loin d’être respectées ; le 29 octobre 2011, le Chef de l’Etat prorogea le mandat dudit Comité jusqu’à achever ses missions.
Cette ordonnance donna espoir aux membres d’ex-groupes armés et facilita la sécurité des élections. Sitôt le Gouvernement des élus de 2011 installé sans représentant des signataires des accords précités, commença la guerre dite « Mouvement du 23 Mars (M23) ». Ce mouvement ne réussit pas à convaincre les Maï-Maï signataires des accords de paix.
Le M23 n’ayant rassemblé que le CNDP et une partie du PARECO/FAP, fut étouffé par une pression diplomatique de la Communauté internationale et fut voué à l’échec. Toute fois, depuis Février 2014 malgré l’Accord-cadre signé à Addis-Abeba, des multiples groupes armés nationaux et étrangers sont toujours en opération à l’Est de la RDC et la fin des conflits reste incertaine.
Jules Ziringabo Ndahambara est un analyste politique. Il a participé dans nombreuses conférences de paix en RDC de 2007 jusqu’en 2015 et il est membre du African Peacebuilding Coordination Network.