Guest blog: La CNPSC depuis l’assaut sur Uvira

Décryptage de la situation après la tentative d’assaut sur Uvira : quid de la CNPSC au Sud-Kivu?

Oscar Dunia Abedi, chercheur indépendant

 

La Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC) est un mouvement initialement fondé en 2013 et resurgi depuis mi-2016 après une existence dormante pendant plusieurs années, sous le commandement de William Amuri, alias Yakutumba. Originaire du territoire de Fizi au Sud-Kivu, le commandant Yakutumba, quitte l’armée en 2007 pour fonder un groupe Mai-Mai qui devint redouté pour sa capacité, durabilité et position stratégique en tant que plaque-tournante de la mobilisation armée au Sud-Kivu.  Aujourd’hui, il affirme disposer de 10 000 hommes répartis sur quatre fronts : l’un au nord vers Uvira ; l’autre vers Kalemie, vers le Maniema et le Shabunda et en fin en territoire de Mwenga. Des effectifs largement gonflés, selon des sources locales, qui estiment que le mouvement doit compter quelques centaines d’hommes, dont des enfants. Mais ces effectifs varieraient au grès des enrôlements effectués dans les villages tombés. Bien que le leadership de Yakutumba au sein de la CNPSC semble incontesté, il n’est moins clair à quel degré Yakutumba maintient un contrôle effectif sur l’entière coalition. Côté équipement, le groupe compterait quelques véhicules et armes lourdes mais surtout des AK47 et mortiers. Chef d’un mouvement se nourrissant notamment des taxes minières, Yakutumba, affirme mener une « guerre de libération ». Uvira ne serait qu’une étape dans la conquête du pays entier. Un porte-parole FARDC qui qualifiait ce groupe de poignée de « bandits » affirme qu’ils bénéficient de soutiens étrangers, sans pour autant désigner un pays.

Idéologies Mai-Mai, double-jeux ou simple opportunisme ?

Les Mai-Mai, se positionnant comme de patriotes ayant défendu l’intégrité du territoire contre de nombreuses agressions, ils digèrent difficilement ces postes occupés par leurs adversaires (y inclus sur prétexte ethnique). Bien que cela n’explique ni l’envergure de la CNPSC en fin 2017, ni sa raison d’être politique, ces facteurs se joignent à la facilité de mobilisation face au désespoir parmi certains militaires FARDC qui se retrouvent entre retard de salaires et risque d’embuscade. De même, Le recrutement des jeunes reste facilité par les manipulations ethniques ainsi l’absence d’opportunités d’emplois qui ouvrent la porte envers les groupes armés dans un contexte d’absence d’autorité d’Etat. D’autre part les arrestations arbitraires dans les différentes localités du territoire de Fizi, poussent plus des jeunes à rejoindre le mouvement. Dans ce sens, tragiquement, l’arme fait l’honneur et la vie. L’exemple du groupement de Banyabemba (Maniema, à la limite avec la province du Tanganyika) ou 450 jeunes auraient rejoint la CNPSC en suite du nettoyage des FARDC figure parmi les cas emblématiques. En similarité avec des opérations de ratissage en territoire de Lubero en 2016, des jeunes portant des tatouages – fait non inhabituel – auraient été ciblés davantage. Outre que la CNPSC, certains discours soulignent la prévalence de l’argument divisionniste autour des questions identitaire et communautaires. Dans plusieurs communiqués, l’association « M’bembé M’bondo » menace de tout faire pour ne pas se faire humilier par Kinshasa. Tout cela contribue à envenimer le contexte tout en plus de servir comme facteur de mobilisation armée. Bien qu’il n’y ait pas de preuve, cette même association se voit régulièrement accusée d’aussi soutenir la CNPSC financièrement à travers un réseau de diaspora en Europe et Amérique.

Bref récapitulatif de l’avancée spectaculaire de la CNPSC en 2017

Le 24 septembre 2017, les localités de Mboko, Swima, Lusenda, Nundu et Munene – toutes à une quarantaine de kilomètres au Sud d’Uvira dans le groupement de Babungwe-Nord du territoire de Fizi furent attaque puis pris par la CNPSC. Les miliciens profitaient de l’appui de certaines personnes au sein de population locale, ils s’imposent en bénéficiant du moral et de la complicité de certains militaires FARDC. En parallèle, des combats se déroulent vers Kilembwe, ou une coalition émerge entre les communautés Bembe et Buyu. Lorsque le front nord-est de la CNPSC ne réussit d’avancer sur Uvira du a la réponse vigoureuse de la MONUSCO, ils occupent Mboko pendant une semaine avant de quitter sous pression des FARDC réorganisés. Plus tard, la CNPSC fera son repli vers la presqu’île d’Ubwari (qui relie la RDC avec le Burundi et la Tanzanie à travers le Lac Tanganyika) dans le secteur de Ngandja d’où d’affrontements incessants ne cessent de se produire entre les Mai-Mai face aux FARDC. Ce retrait restera marqué par attaques et contrattaques entre CNPSC et FARDC, souvent encadré dans une rhétorique politique et des revendications dans le contexte électoral de la part des miliciens. Toutefois, il est important de retenir que le contexte socio-culturel est plus encré les esprits de combattants Mai-Mai au point que la revendication primaire est celle de leurs attentes vis-à-vis du gouvernement en place. Il semblerait qu’ils n’admirent pas la place que certains militaires occupent au sein de l’armée alors que ces derniers avaient été considérés comme des ‘récalcitrants’. C’est dans cette optique les embuscades deviennent une monnaie courante. Pour donner qu’un exemple, l’armée enregistra la perte de huit soldats dans une seule parmi de nombreuses embuscades autour de Baraka : « Notre hôpital a réceptionné huit corps des militaires tués par balles », a déclaré un agent de l’hôpital public de Lulimba en décembre 2017. Des sources militaires accusant la CNPSC de ces embuscades souligne que les FARDC avaient perdu « d’importants matériels ».

Du développement autour de la CNPSC depuis leur retrait d’Uvira

Lorsque la CNPSC s’est retiré dans la forêt de Ngandja et une partie d’Ubwari ces combattants ont de plus en plus fait face à des offensives musclées signés FARDC, menant à une dispersion importante des troupes de Yakutumba ainsi que d’autres groupes armés locaux, puis aussi des pertes et redditions aux FARDC. Ces derniers, cependant, produisent une résistance – visible dans l’embuscades ratées sur le général Philémon Yav en janvier 2018. Nommé à la tête des opérations contre les groupes armés de la zone, Yav échappe à peine une attaque sur son convoi le 10 janvier en secteur de Babuyu, puis un jour après aux alentours de Fizi centre. A ce point, il est important de rappeler que le contexte actuel du territoire Fizi se complique par la présence des nouveaux groupes armés Burundais. Les relations entre les deux états n’étant pas clairement lisibles, certains observateurs pensent observer le Burundi derrière Yakutumba lorsque d’autres restent convaincus de l’alliance Kinshasa-Bujumbura dans la traque des opposants Burundais du RED-Tabara et FPB (ex-FOREBU). Néanmoins, il reste difficile à déterminer qui soutient Yakutumba bien que différentes rumeurs persistent. Des sources au sein de la CNPSC soulignent que leur mouvement n’avait pas des alliances étrangères, comptant bien plus sur les allégeances d’autres groupes congolais pour accroitre leurs effectifs, notamment les Malaika wa Kombozi de Sheh Assani, actifs au Maniema dans le territoire de Kabambare, le groupe Kaka Sawa de l’ex-FARDC Kalume Kiwis, dans le territoire de Kasongo, ainsi que Jean Musumbu, l’emblématique père fondateur des Raia Mutomboki en 2005 dans le Shabunda. Ceux-ci semblent s’ajouter aux « satellites » de Yakutumba, des groupes Mai-Mai d’appartenance Bembe comme ceux de ses anciens adjoints Ebwela, Mulumba, Echilo et le commandant naval récemment arrêté, Dragila, ou bien encore les ex-Aoci, ex- Bwasakala, René, Aigle. Les troupes de Yakutumba étant soutenus par certains Raia Mutomboki de Bunyakiri en fin 2017, l’adhésion de groupes armés Fuliiru et Rega reste suggestif, bien que des rumeurs mentionnent les milices de Karakara, Nyerere et N’ykirhiba depuis mi-2017. Les spéculations de grandes alliances appart, le terrain suggère une image plus compliquée. Le 25 février 2018 à Kananira, des sources locales auraient vu des Mai-Mai en plein retrait. Ensuite, ces mêmes troupes auraient attaqué le poste de police de Milimba afin de ravir une dizaine d’AK47 en prenant en otage dix policiers. Le 5 Mars 2018 une embuscade aurait couté la vie à plusieurs militaires en groupement de Basimimbi, secteur de Lulenge. Dans ces deux cas, ainsi que pour les embuscades mentionnées ci-haut, il demeure incertain quelles groupes ou acteurs s’y trouvent derrière. Entre temps, la situation autour de Fizi reste tendue.

Groupe armé Responsable Province Territoire et/ou Secteur
PARC (Parti pour la reconstruction du Congo)

FAAL (Force armée Aleluya)

William Amuli

« Yakutumba »

Sud-Kivu Fizi/Ngandja
Malaika wa Kombozi wa Congo Sheh Assani Maniema Kabambare/Salamabila
Raia Mutomboki Jean Musumbu Sud-Kivu Shabunda/Babuguba-Sud
Kaka Sawa-RPE (Révolte populaire contre les envahisseurs) Kalume Kiwis Maniema Kasongo/Wazimba wa Mulu
Mai-Mai N’ykirhiba N’ykirhiba Sud-Kivu Mwenga/Itombwe
Mai-Mai Karakara Karakara Ngombarufu Sud-Kivu Uvira/Bafuliru
Mai-Mai Nyerere Nyerere Bunana Sud-Kivu Uvira/Bafuliiru
Mai-Mai René René Atongwa Assumani Sud-Kivu Uvira/Bavira
Ex- Mai-Mai Bwasakala Muchingwa Sud-Kivu Fizi/Lulambwe
Mai-Mai Mulumba-MDLC Mulumba Sud-Kivu Fizi/Lulenge

 

 

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