AIII #3: L’approche basée sur les droits humains – un mécanisme pour le processus de développement humain qui sert aussi à la paix

L’approche basée sur les droits humains – un mécanisme pour le processus de développement humain qui sert aussi à la paix
Michelle Dörlemann
Reconnue la première fois au niveau des organes des Nations Unies en 2003, l’approche basée sur les droits humains (ABDH) est encore assez nouvelle dans le monde de la coopération pour le développement. L’ABDH est, plus largement, « un cadre conceptuel pour le processus de développement humain qui se base, au plan normatif, sur les normes internationales des droits de l’homme et qui est, en terme opérationnel, orienté vers la promotion et la protection des droits de l’homme » et qui vise à analyser « les inégalités, les pratiques discriminatoires et les rapports de pouvoir inéquitables caractéristiques des problèmes de développement »[1].
Et bien que, entretemps, les droits humains soient sur toutes les lèvres – surtout en vue de l’Est de la RDC – on ne peut pas constater jusqu’à maintenant une véritable application de cette approche, soit par manque de connaissances, soit par manque de volonté.
Pourtant, l’ABDH ne vise pas qu’un processus de développement plus équitable, mais pareillement un soutien de la consolidation de la paix dans les régions sortant d’un conflit et dans les zones où l’état de droit est affaibli.
Une approche qui demande la prise de responsabilité
Comme il s’agit d’une approche structurelle qui vise à une analyse profonde des inégalités aux racines fondamentales de problèmes, y compris des questions politiques, socioéconomiques et culturelles, il s’agit d’un outil qui permet d’atténuer et même prévenir les conflits.
En vue de la complexité des conflits persistants dans l’est du Congo, originant des affrontements liés au fond et à l’accès à la terre, aux manœuvres politiques, à l’appartenance ethnique et aux questions d’identité ainsi qu’un système juridique non performant, perpétués par une économie militarisée et résultant dans des violations massives des droits humains, il existe une forte demande d’un tel outil qui a la capacité de prendre en compte tous les différents niveaux des conflits et d’offrir des solutions sur le long terme.
L’ABDH n’est ni intoxiquée par des richesses d’une région ou des coteries entre les pouvoirs économiques et politiques, ni intimidée par des conflits ethniques et tribaux ou la lutte armée, mais demande strictement l’abandon des pratiques discriminatoires et des répartitions injustes de pouvoir. Elle se braque contre des actions simplement facultatives et volontaires orientées par des besoins changeants et vise des actions obligatoires, basées sur les valeurs reflétées dans les principes et normes des droits humains.
Mais une telle approche n’existe pas pour elle-même et ne se met pas en marche de manière automatique. Elle a besoin de citoyens, d’une forte société civile et d’un Etat qui l’appliquent.
Les rôles des acteurs clés
Tout d’abord, l’Etat et ses organes, en tant que débiteurs d’obligations, sont exigés de respecter, de protéger et de donner effet à la totalité des droits humains. Un Etat qui respecte les droits humains de son peuple s’abstient de chaque action et activité qui est qualifiée de les violer et vielle bien sur ses organes exécutifs. Il protège son peuple, également contre les violations par des tiers – soit des acteurs du marché comme des grands multinationaux qui profitent au détriment de la population, soit des agresseurs armés internes ou externes du pays. En parlant des droits, l’Etat est surtout demandé d’assurer la justiciabilité des droits humains garantis en établissant un système judiciaire non corrompu mais bien maintenu avec des moyens nécessaires afin d’assurer l’indépendance, la fiabilité et l’efficacité du pouvoir judiciaire[2].
Mais ce n’est pas seulement l’Etat qui joue un rôle pertinent afin de créer une société qui reconnait tous ses êtres humains en tant que détenteurs de droits. C’est le peuple, chaque citoyenne et chaque citoyen, qui se trouve au centre de l’ABDH. Les citoyens qui connaissent leurs droits sont capables d’être aux commandes de leur propre développement et ainsi du développement de toute leur société au lieu d’être condamnés à rester derrière comme des bénéficiaires passifs des actions menées par des autres.
Allant de pair avec l’approche inclusive, l’ABDH met l’accent sur l’implication des groupes marginalisés, des groupes vulnérables et ceux victimes de discriminations. Elle prend en compte des survivantes et des survivants de la violence sexuelle et des victimes la discrimination basée sur le genre, des victimes de la pauvreté qui n’ont pas d’accès aux services de base, des victimes de la lutte armée, des réfugiés, des handicapés, des stigmatisés – en bref de toute personne qui vit dans des conditions où les droits humains sont violés.
Pareillement, la société civile, constituée par et reflétant la diversité de la population, joue un rôle important dans l’application de l’ABDH. Une forte société civile peut veiller au développement social et équitable, sauvegarder les intérêts de la population et ses groupes vulnérables ainsi qu’assurer le contrôle citoyen de la performance de l’Etat et ses institutions. Elle est le moteur de l’éducation civique et le porte-voix des sans-voix.
Un développement autodéterminé
Reste la communauté internationale d’États, des bailleurs des fonds et des centaines d’autres partenaires techniques et financiers qui se trouvent sur l’échiquier du développement. Il est plus que souhaitable que leurs actions soient également orientées par le cadre global bien défini par les droits humains pour se retrouver avec une stratégie commune afin d’améliorer sincèrement les conditions de vivre pour chacune et chacun. Un renforcement des capacités des détenteurs de droits et des débiteurs d’obligations ainsi que la création des partenariats égaux, participatifs et inclusifs, empreints de respect mutuel, permettent un développement autodéterminé qui participe aux synergies et connaissances mondiales.
Même si les droits humains semblent d’être entrés dans les mœurs de notre pensée, il faut les réaffirmer chaque jour à nouveau. Comme James Baldwin (1924 – 1987) le disait : « Des mots tels que ‘liberté’, ‘justice’, ‘démocratie’ ne sont pas des concepts communs ; au contraire, ils sont rares. Les gens ne viennent pas au monde en sachant leur signification. Il faut déployer un effort énorme et, surtout, individuel afin de parvenir à ce niveau de respect pour autrui tel qu’impliqué par ces mots » (traduction libre).
Michelle Dörlemann est juriste et consultante indépendante
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[1] Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH), 2006.
[2] En 2014, le secteur juridique en RDC n’a reçu que 1% du budget de l’État – voir l’Examen périodique universel 2014 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.