AIII #6: Rétablissement de l’autorité de l’Etat à l’est de la RDC : les bâtons et la carotte ont-ils produit des effets escomptés ?

Rétablissement de l’autorité de l’Etat à l’est de la RDC : les bâtons et la carotte ont-ils produit des effets escomptés ?

Josaphat Musamba

 

Depuis des années la République Démocratique du Congo est dans une situation de déstabilisation chronique qui freine son élan de développement. Conscient du fait que beaucoup des groupes armés sont interconnectés en tant que vecteurs d’insécurité, il avait plus à la communauté internationale, à la SADC et la CIRGL y compris la MONUSCO de mener des opérations contres les groupes rebelles étrangers en RDC. Il y a plus que six mois que la communauté internationale avait donné un ultimatum aux FDLR de se rendre volontairement afin qu’ils ne soient pas traqués. Ils ont fait des gestes qui n’ont pas suffit à rassurer le conseil de sécurité, tout comme la République Démocratique du Congo.

En effet, le cas des FDLR est très complexe et nécessite un concours régional ou international. Bien avant cela nous avions vu que certains chefs rebelles ont commencé à sortir des leurs maquis. C’est le cas par exemple, dans le Sud-Kivu, de Juriste Kikuni et Nyanderema avec quelques de leurs éléments Raiya Mutomboki. Plusieurs villages qui ont été jadis sous le contrôle des ces groupes dans le Shabunda, dans la cité de Bunyakiri, dans celle de Kabare et de Walungu y compris dans le territoire d’Uvira sont passés sous le contrôle des FARDC sans affrontement. La démarche liée à l’établissement de l’autorité de l’Etat dans l’Est de la RDC est une entreprise de longue haleine et serait teinté de plusieurs couleurs. Le gouvernement congolais a utilisé plusieurs techniques afin de rétablir sont autorité dans l’ensemble du territoire national. Des territoires immenses furent soustraits à l’autorité de l’Etat ; ils ont été sous la souveraineté des groupes armés locaux ou étrangers et/ou ils ont exercé toutes les compétences liées à exercice de l’autorité publique dans ces espaces.[1]

Les groupes armés qui sévissent dans l’est de la RDC ont des particularités et des spécificités que plusieurs autres auteurs ont démontrées en profondeur. L’état congolais avait engagé de pourparlers avec certains groupes armés mais ceux-ci, dans l’ensemble, n’ont pas voulu démobiliser car ils poursuivent de intérêts différents. Comment alors rétablir l’autorité de l’état dans l’est de la République Démocratique du Congo ? Pouvons nous considérer que la stratégie du bâton et de dialogue a-t-elle eu des effets escomptés ? Dans les phrases qui suivent nous allons tenter de répondre à ces questions posées. La présent papier veut démonter que la stratégies du bâton et du dialogue – la carotte – aurait produit des effets parfois minimes et que les différentes occupations que les FARDC font actuellement ne résolvent pas définitivement la question des groupes armés pendante.

Echec des négociations et du Processus DDR3 ?

Le processus de DDR3 semble échoué ou suspendu. Les négociations entre les FARDC et les groupes armés nationaux ont aussi échoué comme le faisait remarquer un chef milicien du Nord-Kivu. Lorsque le général, en charge de cette question faisait des tournées dans l’ensemble des territoires sous le contrôle des groupes armés, on avait vu des effets, des initiatives positives, des redditions ou de consensus sur leurs reddition ou adhésion au processus DDR3, vu que le programme a refusé d’intégrer les éléments des groupes armés au sein des FARDC.[2]                

Un redéploiement unilatérale ou consensuel ?

Depuis quelques mois, les FARDC ont décidé de se redéployer dans les zones occupées par les Raiya Mutomboki à Shabunda après des affrontements contre le groupe de Juriste Kikuni, de Hamakombo, de Makombo, de Nyanderema. Une dynamique similaire s’observe dans d’autres endroits, notamment le Masisi et le Rutshuru [3] pour ne citer que cela. Le redéploiement des FARDC dans les zones jadis sous contrôle de groupes est unilatéral et dénonce les accord ou le consensus ou le processus DDR3 : « Les FARDC se sont déployés dans le Lubimbe, a Kibandamangobo etc., ils sont entrés sans affrontements c’est seulement quelques militaires qui ont résisté un peu et nos éléments se sont déplacés de la route principale vers Irhegabaronyi dans le fins fonds du territoire de Kabare ».[4] Ce déploiement des FARDC se fait dans les routes principales où se trouvaient les positions des groupes armés en dehors de quelques villages comme Lubila. Par contre est-ce que cela rétablie l’autorité de l’état ? La présence des FARDC est une preuve éloquente de ce rétablissement mais elle ne suffit pas car ces groupes se sont transformés en agents déstabilisateurs. Que faire pour rendre plus calme et stabilisante ces contrées ?            

Les alliances chancelantes et la reddition forcée des warlords ?

Il y a quelques mois, des seigneurs de guerre ont commencé à déposer des armes et manifester leur preuve de se rendre auprès de la MONUSCO. C’est le cas de Juriste Kikuni Sabikuge, de Nyanderema et des autres au Nord-Kivu dans le Masisi et dans le Rutshuru y compris dans le Grand Nord (le cas des éléments de l’Alliance Pour un Congo Libres et Souverain de Janvier Karairi Buingo ; certains ex Mai Mai Shetani qui l’ont fait dans le temps mais ils se sont reconstitués encore sous le leadership de Mbusa Tahindwa Bokande basé à Kafunzo dans le Rutshuru, certains éléments Nyatura FDDH du commandant Kasongo, les Mai Mai Vurondo qui auraient récemment commencé à se remobiliser pour ne citer que ces cas). La reddition est une chose mais les intentions de se rendre sont une autre. Pour ne citer que le cas de Juriste Kikuni Sabikuge, il a été démontré que celui ci ne s’est pas rendu de lui même ou parce qu’il le voulait. L’affrontement qu’il y a eu entre lui et certains insurgés au sein de son groupe l’avait contraint à quitter la brousse. Juriste Kikuni n’avait plus de choix que de se rendre par ce qu’il était menacé à la fois par les FARDC et ses dissidents suite à une dispute de leadership et la gestion des fonds que le mouvement produisait dont il était le chef. Le même cas pour ce qui est de Nyanderema qui a quitté récemment ; celui ci a décidé de quitter avec 10 combattants alors que cela n’est pas son effectif réel. Selon un des ses proches collaborateurs « Nyanderema est sorti mais Lukoba avait refusé de quitter, il lui a dit que le moment n’est pas encore propice pour lui de se rendre. Il cherche à coaliser avec Makombo afin de quitter ensemble ».[5]

La même situation s’était observée en 2012 pour la coalition Raiya Mukombozi sous la direction de Daniel Meshe et Albert Kahasha Foka Mike. Avant de quitter les deux chefs des guerre n’étaient plus dans des bonnes relations avec le groupe qui occupait Kigulube et Nzovu : « Les gens de Isezya, je ne crois pas qu’ils soient encore avec nous et cela fait déjà plus de jours qu’ils ne venaient plus dans nos réunions, venir être tatoués afin de rafraichir le dawa ». Les seigneurs de guerre qui se sont rendus, se sont trouvés dans des mauvais draps avec leurs collègues. En dehors de ces deux facteurs, un autre est celui des promesses qu’ils ont reçus. Ces promesses jusque là, pour certains, ne sont pas répondus. Eloi Kirutu [6], ancien membre de la coalition Raiya Mukombozi disait : « C’est de cette façon que les gens se décident d’entrer encore dans les rebellions. Si nous n’étions pas sage nous serions rentrés encore dans la foret. Depuis que nous sommes rentrés ici dans la ville de Bukavu, rien n’a été fait ; nous attendons toujours. »

Peut-on parler du rétablissement de l’autorité de l’Etat dans ces zones ?

Parler du rétablissement de l’autorité dans ces zones est un chose explorer encore les perspectives d’un paix durable est une autre. On constate actuellement la présence des forces loyalistes dans ces zones afin de marquer le présence de l’état. Si en suite des chefs de poste qui avaient fui peuvent déjà rentrer dans postes cependant as-t-on résolu la question des groupes armés ? Quel avenir réservé au programme DDR3 car à voir ce qui se passe, toutes les institutions, les ONG’s se concentrent sur l’action militaire contre les FDLR ; personne ne semble encore appuyer son attention sur celle du processus DDR3.

Le rétablissement de l’autorité de l’Etat passe par l’occupation effective desdites zones et par institutionnalisation des bureaux à la fois de la Police Nationale Congolaise et de l’administration publique dans ces zones. Pourtant ce qui se fait est aussi contraire qu’on le pense, car le problème reste toujours posé dans le sens que les revendications des groupes armés n’ont pas trouvé des échos favorables de la part de autorités. En conséquences, nous sommes tenté de projeter des actions de déstabilisation dans les zones qui ne sont pas sous contrôle de FARDC. Dans la province du Nord Kivu la même situation s’est produite. On a frappé Janvier Karairi avec ses forces jusqu’à les propulsé dans les forets appelé « Ku Muroba » à quelques kilomètres de Lwibo et de Lukweti. Mais le groupe, quoi que fragile demeure toujours nocif et actif dans les forets.

En conclusion nous pensons que les bâtons ont produits des effets dans certains cas et que le dialogue est important pour les cas sous examen. Occuper les zones sous contrôle groupes armés est une chose mais les gérer de manière effective et efficace est une autre. Voilà pourquoi nous suggérons que l’on puisse encore activer le processus de DDR3 et non la formule qui a été adoptée par le pouvoir congolais (conduire les miliciens à Kamina) alors que les autres qui ne veulent pas intégrer l’armée congolaise doivent être pris en charge par le processus de DDR.

Le redéploiement des FARDC ne suffit pas, il faut réactiver le processus de désarmement, de la démobilisation et celui de la réinsertion des ex combattants. Dans une autre mesure, si les FARDC occupent les zones sous contrôle FARDC on doit s’attendre à des cas d’enlèvements des populations, des cas des coupeurs des routes, des cas des pillages dans certains coins des ces zones doit organisé par des éléments desdits groupes armés ou des bandits. L’occupation ne conduirait pas directement au rétablissement de l’autorité de l’Etat dans ces zones, par contre un dialogue devrait être adressée encore à ces groupes. Des exemples peuvent nous informer : Janvier Karairi aujourd’hui retranché dans la foret est ce que l’on a épuisé la questions ente les Hunde et les Hutu ou Tutsi dans le territoire de Masisi ? Si l’on contraint Karakara a fuir dans la brousse, a-t-on fini le contentieux entre les Bafuliiro et les Banyamulenge ? Si l’on peut s’attaquer aux FDLR aujourd’hui et prétendre rétablir l’autorité de l’état sans épuiser les raisons profondes de leurs présences sur le sol congolais ça sera une action militaire de plus qui ne produira pas des effets escomptés ?

 

Josaphat Musamba Bussy est Assistant à l’Université Simon Kimbangu de Bukavu et Chercheur au Centre de Recherches et d’Etudes Stratégiques en Afrique Centrale, CRESA.

 

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[1] Pour une lecture approfondi, Koen Vlassenroot et Kasper Hoffman (2014), Armed Groups and the Exercise of Public authority : Case Study of Kalehe Territory, Peacebuilding, 2:2 , 202-220.

[2] Même le Projet Usalama avait proposé ce genre de solutions oubliant que les réalités différentes selon les contrées et les tendances.

[3] Le cas de Rutshuru est plus particulier car il s’agit des zones jadis sous contrôle FDLR, mais le redéploiement des FARDC n’est pas un problème majeur.

[4] Entretien avec un agent de Liaison Raiya Mutomboki à Bukavu, Décembre, 2014.

[5] Entretien avec un proche collaborateur de Nyanderema, Bukavu, Janvier, 2014

[6] Le nom a été changé pour des motifs d’anonymat car il n’a pas voulu que nous puissions le citer.

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